Par un arrêt du 18 janvier 2024, la 3ème Chambre Civile de la Cour de cassation reconnaît pour la première fois que le créancier d’une société civile immobilière qui a vu sa demande en paiement dirigé contre les associés de la société rejetée par une juridiction faute pour lui d’avoir au préalable poursuivi vainement la société, peut de nouveau engager une action à l’égard des associés en cas d’ouverture d’une procédure en liquidation judiciaire contre la société (Cass. 3ème Civ. ; 18 janvier 2024 ; N°22-19.472).

  • Eléments de faits et de procédure

Dans cette affaire, une banque était créancière de deux sociétés civiles immobilières, et a assigné les associés de ces dernières en paiement. Les demandes de la banque ont été rejetées, au motif qu’elle ne démontrait pas avoir engagé de vaines et préalables poursuites à l’encontre des deux sociétés civiles immobilières.

Les deux sociétés civiles immobilières ont par la suite chacune fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, à la demande de la banque.

La banque a donc déclaré ses créances au passif de chacune des deux sociétés, puis a de nouveau intenté une action judiciaire contre les associés aux fins de recouvrement de ses créances.

La Cour d’appel de Chambéry a déclaré les demandes en paiement de la banque à l’égard des associés des sociétés civiles immobilières irrecevables, au motif qu’elles avaient déjà fait l’objet d’une décision judiciaire (principe de l’autorité de la chose jugée).

La banque a formé un pourvoi en cassation.

  • Réponse de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Chambéry, et considère que l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de chacune des deux sociétés constitue un évènement nouveau permettant à la banque d’intenter une nouvelle action à l’encontre des associés des sociétés civiles immobilières pour obtenir le paiement de ses créances.

  • Portée de la décision

Rappel des dispositions légales et jurisprudentielles en la matière

En application des dispositions de l’article 1857 du Code civil, les associés d’une société civile répondent indéfiniment des dettes de la société à l’égard des tiers, à proportion de leur participation dans le capital social de la société.

Cependant, en application des dispositions de l’article 1858 du Code civil, les créanciers d’une société civile ne peuvent poursuivre le paiement des dettes de la société contre les associés qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la société.

Depuis un arrêt du 18 mai 2007 (Cass. Ch. Mix. – 18 mai 2007 – N°05-10.413), la Cour de cassation considère de manière constante qu’en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre d’une société civile, la déclaration régulière de sa créance dispense le créancier d’établir que le patrimoine de la société est insuffisant pour la désintéresser et suffit à démontrer qu’une poursuite de la société serait vaine.

La poursuite des associés d’une société civile est ainsi d’ores et déjà simplifiée pour les créanciers de la société. en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son encontre.

Le renforcement de sa position par la Cour de cassation

Par cet arrêt, la Cour de cassation accentue sa position.

En effet, dorénavant, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre d’une société civile permettra à ses créanciers :

  • Non seulement d’être dispensés d’avoir à intenter préalablement une action à son encontre s’ils déclarent régulièrement leur créance ;
  • Mais également d’intenter une nouvelle action en paiement contre ses associés dans le cas où une action judiciaire antérieure à l’ouverture de la procédure en liquidation judiciaire aurait été rejetée faute de poursuites préalables et vaines dirigées contre la société.

Romain SIMON