Les salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire bénéficient du maintien des garanties collectives frais de santé et prévoyance en vigueur dans l’entreprise tant que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur n’est pas résilié.
Cass. 2e civ., 10 mars 2022, no 20-20898
Par un arrêt du 10 mars 2022, la Cour de cassation revient sur la question de la portabilité des garanties collectives frais de santé et prévoyance qu’un employeur placé en liquidation judiciaire avait souscrit au bénéfice de ses salariés.
En l’espèce, un employeur a conclu un contrat de mutuelle santé et prévoyance au profit de ses salariés. Il a par la suite fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et un plan et cession a été arrêté conduisant aux licenciements de 38 salariés. La procédure de redressement judiciaire est alors convertie en liquidation judiciaire le 19 février 2016. Parallèlement, l’institution de prévoyance a résilié le contrat de prévoyance à effet du 29 février 20161. Elle a néanmoins formulé une proposition de « prolongation onéreuse du contrat » à compter du 1er mars 2016. Afin de maintenir les garanties collectives au profit des salariés licenciés, le liquidateur verse les sommes demandées à l’organisme assureur avant finalement d’en demander le remboursement au motif qu’aucun dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance n’était requis en cas de prononcé d’une liquidation judiciaire, ce qui rendait le paiement indu.
Le pourvoi qu’il forme contre l’arrêt de la cour d’appel qui l’a débouté de sa demande est rejeté par la Cour de cassation. Après avoir rappelé que les dispositions de l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale « d’ordre public sont applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte », et précisé que le maintien des garanties collectives prévues par le contrat au bénéfice des salariés licenciés « implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié », la haute juridiction approuve la cour d’appel d’avoir jugé qu’à compter de la prise d’effet de la résiliation du contrat, « les garanties ouvertes ont pris fin pour n’être plus en vigueur dans l’entreprise », de sorte que « le paiement volontairement opéré par le liquidateur, en ce qu’il portait sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne pouvait être assimilé à un paiement indu ».
Cette décision réaffirme le principe d’un maintien des garanties collectives au bénéfice des salariés licenciés en cas de liquidation judiciaire de l’employeur (I), mais rappelle que ce maintien peut être remis en cause en cas de résiliation du contrat liant l’employeur à l’organisme assureur (II), exception dont elle précise la portée (III).
I – La réaffirmation d’un maintien des garanties collectives au bénéfice des salariés licenciés en cas de liquidation judiciaire de l’employeur
En matière de protection sociale complémentaire, l’employeur doit souscrire un contrat auprès d’un organisme assureur afin de couvrir ses obligations à l’égard de ses salariés2. En outre, en cas de cessation des contrats de travail, la couverture des garanties collectives santé et prévoyance en vigueur dans l’entreprise continue de bénéficier à titre gratuit aux salariés pour une durée qui ne peut excéder 12 mois3. Le financement de ce dispositif dit de « portabilité » repose alors sur l’employeur et les salariés encore présents à l’effectif.
Une difficulté se présente lorsque l’employeur fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. L’activité est alors arrêtée et, en l’absence de transfert des contrats de travail à un repreneur, les salariés sont licenciés pour motif économique. L’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale ne prévoyant aucune disposition relative à la situation de l’employeur en liquidation judiciaire4, il est revenu à la Cour de cassation de préciser les modalités de mise en œuvre de la portabilité des garanties collectives.
C’est ce qu’elle a fait par cinq avis rendus le 6 novembre 20175. Après avoir relevé que la loi ne distinguait pas entre les salariés d’une entreprise in bonis et les salariés dont l’employeur fait l’objet d’une liquidation judiciaire, la haute juridiction a retenu que les dispositions de l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale « sont applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte ». La solution a par la suite été confirmée par un arrêt du 5 novembre 2020 qui a précisé que ces dispositions « revêtent un caractère d’ordre public » et « ne prévoient aucune condition relative à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance »6.
Par son arrêt du 10 mars 2022, la Cour de cassation réaffirme le principe d’un maintien des garanties collectives au bénéfice des salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire.