Par un arrêt du 14 février 2024 (Cass. Com. ; 14 février 2024 ; N°22-13.899), la Chambre Commerciale de la Cour de cassation apporte une précision inédite sur l’étendue du devoir de conseil de l’expert-comptable.

  • Eléments de faits et de procédure

Dans cette affaire, une société commerciale avait chargé un expert-comptable des missions suivantes : tenue de la comptabilité, aide à l’établissement des comptes annuels et présentation des documents fiscaux et sociaux ponctuels et de fin d’exercice.

Après avoir fait l’objet d’un redressement fiscal, un expert judiciaire relève des anomalies comptables affectant notamment certains comptes clients et procède à une correction à la baisse de l’actif net comptable de la société.

La société intente une action contre son expert-comptable, en lui reprochant notamment d’avoir manqué à son devoir de conseil en ne l’alertant pas sur ses impayés et les délais de règlements.

La Cour d’appel de Paris déboute la société de ses demandes. Elle forme un pourvoi en cassation.

  • Réponse de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé, confirmant ainsi l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, et considère que compte tenu des missions qui ont été confiées à l’expert-comptable, son devoir de conseil n’impliquait pas d’alerter la société et ses dirigeants sur l’importance de l’encours client, des relances clients nécessaires et des délais de paiement.

  • Portée de la décision

En application de l’article 155 du Décret 2012-432 du 30 mars 2012, tout expert-comptable est tenu à l’égard de son client d’une obligation générale d’information et de conseil.

Cependant, les contours de cette obligation varient en fonction de la mission qui lui est confiée.

Ainsi, plusieurs décisions ont déjà précisé l’étendue de l’obligation générale d’information et de conseil qui pèse sur un expert-comptable, notamment dans le cadre de la rédaction d’un acte de cession de droits sociaux (Cass. 1ère Civ. ; 9 novembre 2004 ; N°02-12.415 – obligation d’informer et d’éclairer de manière complète les parties sur les effets et les risques de l’acte, ainsi que sur la portée de l’opération) ou de l’établissement de bulletins de paie (Cass. Com. ; 17 mars 2009 ; N°07-20.667 – obligation de conseil afférente à la conformité des contrats de travail).

Par cet arrêt, la Cour de cassation juge pour la première fois que le devoir de conseil de l’expert-comptable dont la mission est cantonnée à la tenue de la comptabilité, l’aide à l’établissement des comptes annuels et à la présentation des documents fiscaux et sociaux ponctuels et de fin d’exercice, n’implique pas d’alerter son client sur l’encours client et les délais de paiement.

Bien entendu, la décision aurait été différente si le mandat confié à l’expert-comptable par la société avait expressément prévu la réalisation de ces missions.

Romain SIMON